Le Sport Automobile possède quatre épreuves mythiques dont chacune, véritable monument sportif, représente une spécialité : le Rallye Monte-Carlo, Indianapolis, les 24 H du Mans, le GP de Monaco. On pourrait leur associer éventuellement la course de côte du mont Ventoux, bien que de moindre importance mais possédant un passé très riche dans une discipline non négligeable.
Le doyen des rallyes, le Rallye Monte-Carlo, devenu le plus prestigieux et le plus célèbre au monde, est tout simplement né d’une rivalité entre deux villes concurrentes, dont l’objectif principal était d’ordre commercial.
En ce début du XXe siècle, le tourisme est déjà une priorité dans cette région attrayante du sud-est de la France. Nice, très prisée par la riche clientèle européenne, est un peu la capitale de la Côte d’Azur. Cependant, Monaco, outre des palaces, possède son prestigieux casino construit en 1878, dont la renommée est internationale. Mais la ville de Nice est plus dynamique, ne serait-ce qu’au niveau sportif, et plus particulièrement en ce qui concerne la révolution sociale du début du siècle : l’automobile. A Nice, on a compris toute l’importance qu’elle peut revêtir dans l’avenir. C’est ainsi qu’elle développe, grâce à son Automobile-Club créé en 1896 juste après l’ACF, une intense activité dès 1897 avec la course de côte de la Turbie, le Meeting de Nice, la course Marseille Nice, la course Nice – Draguignan – Nice, la Coupe Provinciale…
SAS le Prince Albert Ier (1889-1922), passionné par les nouvelles techniques, incite alors son entourage à étudier une manifestation sportive automobile, puisqu’existent déjà un Concours d’Élégance automobile, un Concours International de canots automobiles et de nombreuses épreuves cyclistes.
1911-1939
C’est évidemment vers l’association « Sport Automobile Vélocipédique Monégasque » (SAVM), qui a vu le jour en 1907 lorsque le très actif « Sport Vélocipédique Monégasque » accepte l’automobile, que tous les regards se tournent.
Peu après l’élection du président Alexandre Noghès fin octobre 1909, le projet d’un rallye automobile est lancé. Rapidement, le projet prend corps sur l’idée avancée par un membre du Conseil, Me Gabriel Vialon, qui s’inspire d’une célèbre épreuve cycliste italienne « Convegni Ciclisti » : faire converger vers une ville le plus grand nombre de participants du plus grand nombre de points de départ.
Pourquoi, alors, ne pas appliquer cette formule à l’automobile, se disent-ils, et prendre Monaco comme point de ralliement, l’étendre (sur la suggestion d’Antony Noghès, le fils du président) à toute l’Europe et l’organiser en hiver pour concurrencer Nice et son fameux carnaval ?
L’idée étant retenue, le président de la Commission sportive, Me Lucien Le Boucher, s’attelle aussitôt au travail. A cause de nombreuses tracasseries administratives, il ne parvient pas à organiser l’épreuve pour 1910.
Avec l’accord officiel, en juillet 1910, du gouvernement monégasque, pour un rallye automobile en 1911, on s’empresse de contacter les Automobile-Clubs européens censés être intéressés par l’organisation des départs ou des passages des concurrents. La machine est bien lancée, d’autant plus que le financement est assuré par la Société des Bains de Mer.
Premier travail : établir le règlement du « Rallye Automobile Monaco » (telle est sa véritable première dénomination). Pour le classement, il est décidé de tenir compte du confort, de l’état et de la propreté du châssis et de la carrosserie à l’arrivée (!), du nombre de personnes transportées, mais aussi, tout de même, d’une moyenne minimale de 10 km/h par jour sur 24 heures (soit 240 km par jour) à tenir du départ à l’arrivée et, enfin, de la distance parcourue. Seuls les propriétaires affiliés à un Automobile-Club peuvent participer. Pour cela les voitures sont plombées. Elles doivent porter durant toute la course deux drapeaux (l’un de leur pays, l’autre monégasque), plus deux pancartes (l’ancêtre de la plaque de rallye) avec l’inscription « Rallye Automobile Monaco » et s’élancer de l’une des onze villes sélectionnées. Le parcours et les dates de départ sont libres, mais les contrôles de passage (fermés de 22 h à 7 h) sont définis. L’arrivée est fixée au 28 janvier, dernier délai.
Dans ces conditions, vingt-trois voitures s’élancent de six villes : 3 de Berlin (1 700 km), 4 de Bruxelles (1 340 km), 2 de Vienne (1 319 km), 1 de Boulogne-sur-Mer (1 272 km), 11 de Paris (1 020 km), 2 de Genève (670 km).
La première à partir est la Dürkopp de von Esmarch. Elle quitte Berlin le 21 janvier. Le 25, jour où la presse commente les départs de Paris, elle atteint Monaco. Puis arrivent, dans la nuit du 25 au 26, venant de Berlin, Julius Beutler sur un phaéton landaulet Martini, et le 26, venant de Paris, Henri Rougier sur un double coupé Turcat-Méry. Un mouvement dense de curiosité parcourt Monaco où les voitures sont garées, à mesure qu’elles arrivent, à la Condamine sur le parc des canots automobiles.
Avec plus ou moins de difficultés, seize voitures rallient la Principauté. Si, sur le territoire français, seul un peu de verglas handicape les concurrents, il en est tout autrement en Autriche où la température descend à – 18°. L’essence gèle et les routes sont recouvertes d’une épaisse couche (jusqu’à 40 cm) de neige glacée. Certains perdront du temps en se présentant peu après la fermeture des contrôles, retardés aux frontières par de longues formalités de police et de douane.
La moyenne la plus élevée (36,2 km/h) est réussie par le Marseillais Henri Rougier, pilote de course dont le palmarès est déjà respectable (1).
La « cote d’amour », introduite par les classements tels que « confort » et « état de la voiture », rend les opérations du jury laborieuses car subjectives. Elle influence trop le classement général par rapport à la performance sportive, de façon que soit récompensée une limousine, plus proche de la voiture de tourisme traditionnelle. Attirer le tourisme, n’estil pas le but initial recherché ?
C’est pourquoi les résultats définitifs ne sont donnés que le lundi 30 janvier.
Henri Rougier, vainqueur des classements « vitesse » et « confort », remporte le classement général. Il gagne 10 000 F (or) en espèces, un bronze d’art et une coupe : un beau pactole, toutefois bien inférieur aux gains perçus lors de ses meetings aéronautiques en une période où l’aviation est en plein essor. N’a-t-il pas gagné, lors du Meeting d’Héliopolis en Égypte en 1910, 92000 F or?
Beutler vainc au classement « distance parcourue » ; Mironneau, sur une torpédo spider Berliet, gagne celui « état de la voiture », et de Aspiazu, sur une torpédo Gobron, remporte celui « nombre de personnes à bord » (cinq).
Et von Esmarch, le premier à atteindre Monaco, que gagne-t-il ? Rien. Outré de sa place de 6e, alors que, provenant de plus loin, il est arrivé près de quinze heures avant Rougier, il refuse les prix et s’abstient de prendre part au défilé. Les organisateurs le déclassent.
L’incident passé, toutes les voitures, avec à leur bord leur équipage au complet, sont alignées sur les allées du Boulingrin, puis défilent sur la place du Casino devant une immense foule. Le lunch au Café de Paris est ensuite fortement apprécié.
La presse, sauf le journal « l’Auto », ne s’en fait guère l’écho. Pourtant, l’expérience s’est avérée concluante.
La plus puissante voiture classée est le double phaéton La Buire 6cyl. 54 HP de Goldstuck (6e) partie de Paris
La Fiat 16/18 HP Prince Henry du lieutenant Knapp couvrira 1 320 km depuis Vienne
Denoncin et son coupé Gobron 4 cyl. (4e)